Les iles du Ponant : un laboratoire du développement durable
Tenir la promesse.
« Aide-toi et le ciel t’aidera »… Ce vieux proverbe pourrait servir de mot d’ordre à l’Association nouvellement fondée. Car les îliens sont confrontés à de fortes contraintes au quotidien : le prix du terrain, l’eau douce, l’énergie, les services, le logement, le transport, les déchets… Et il est loin le temps où les Molénais attendaient le mauvais temps en chuchotant : « Notre-Dame de Molène, à mon île apporte naufrage… »
En échange de quoi une belle image est attachée aux îles. L’image d’un monde naturel et non souillé. Les îles font rêver les habitants des villes de territoires originels et sauvages. On s’attend donc à une haute qualité artisanale. Des produits authentiques et incomparables ou rien ! Peut-être est-ce un fantasme, dans une certaine mesure, mais c’est en même temps un trésor. Pas question de faire mauvais usage de ce filon d’or. Décevoir serait une faute. C’est pourquoi les fondateurs de Savoir-faire des îles du Ponant ont établi une charte assez stricte à destination des postulants. Un audit est conduit par deux ou trois membres de l’association pour sentir quelle sont les dispositions d’esprit des futurs membres. Quels sont les liens entre le candidat et son île ? Par quoi est-il attiré ? Est-il prêt à s’investir sur le long terme ? L’entrepreneur doit salarier au moins une personne à l’année, témoigner d’un savoir-faire de haut niveau, protéger l’environnement, le patrimoine et le savoir-faire des îles, enfin être en mesure d’innover.
Monter une entreprise sur une île coûte 38% plus cher que sur le continent. Il n’y avait donc pas d’alternative. Il fallait créer une marque prestigieuse. Sans valeur ajoutée, il n’aurait pas été possible de survivre. La marque Savoir-faire des îles du Ponant signe une large gamme de produits : savon, crèmes de soin, biscuits, bière, verrines gourmandes, brebis, chèvres, huîtres, moules, ormeaux, crêpes… Mais encore leçons de breton et sports, et créations artisanales ou artistiques de toutes sortes : verre soufflé, céramique, peinture, sculpture, tissage etc… De quoi attirer les touristes. Car si les îles du Ponant comptent 16000 habitants à l’année, le chiffre des visiteurs se monte à trois millions ! Une partie des produits est également vendue sur le continent : Groix&Nature, La Bien Nommée, ou encore Nividiskin, par exemple, que l’on trouve en Bretagne et beaucoup plus loin, ne serait-ce que par leurs sites de commerce en ligne.
Ensemble on est plus fort !
Quinze îles forment les îles du Ponant, autour de la péninsules armoricaine : Chausey, Bréat, Batz, Molène, Ouessant, Sein, Les Glénans, Groix, Belle-Île, Houat, Hoëdic, Ars, L’île aux Moines, l’île d’Yeux et l’île d’Aix. Elles sont chacune gérées par une commune. Aucun pont de les relie au continent, et elles sont habitées toute l’année. Entre 2016 et 2019, une étude a été conduite par les maires des îles et l’université de Brest pour vérifier s’il était possible de lancer une marque au bénéfice de toutes les îles. Une façon de se fédérer autour d’un projet collectif. Et c’est en 2019 que fut vraiment fondée l’Association qui porte la marque.
Le conseil d’administration est constitué d’entreprises, de communes et de l’Association des îles du Ponant. Ce sont les entreprises qui dirigent, en nommant deux vice-président(e)s en leur sein. Les dix-huit membres se retrouvent deux fois l’an. Pour animer l’Association, alternent une année sur deux un colloque sur un thème important, comme le logement, et un Trophée insulaire. Trois prix sont à gagner dans trois catégories : innovation, environnement, et création. En 2021, les savons de Belle-Ile ont remporté le Prix environnement. Il s’agit d’une savonnerie artisanale. Ils emploient des produits naturels : algues, miel, huile d’Olive, sans huile de palme ni conservateurs. Ils ont gagné avec un nouveau savon fait à partir du lait des ânesses débarquées sur l’île depuis peu. Un prix coup de cœur a été attribué à Groix&Nature pour ses ormeaux assaisonnés aux piments de Groix. Un produit 100% local, dont la recette a été mise au point avec les producteurs de l’île.
Cent îles, cent produits ; cent produits, cent métiers ; cent métiers, cent salaires… Et voilà que les élève de Groix, Houat et Hoëdic sont partis en voyage sur Belle-Île pour découvrir les métiers des entreprises locales : fabrication de crêpes ou de sablés, élevage de chèvre, culture des légumes primeurs, soufflage du verre… De quoi susciter de nouvelles vocations pour entreprendre sur telle ou telle île d’ici une dizaine d’année.
Du verre naturel à partir de déchets ?
A l’initiative de Lucile Viaud, une artiste-chercheuse qui a installé son atelier dans l’enceinte de l’Institut des Sciences de le Chimie à l’université Rennes 1, sera produit d’ici à la fin de l’année des pièces de verre artisanales à partir des déchets des entreprises des îles du Ponant. Coquilles de moules, huitres ou ormeaux, têtes de homards, cendres de fumaisons, bris de verre, restes de sables issus des chantiers de construction de maisons… Ce ne sont pas les déchets qui manquent dans les entreprises des îles. Ainsi le gaspillage sera diminué et développée l’économie circulaire, tout en faisant progresser le savoir-faire des îles. Avant longtemps des créations artistiques en verre orneront les tables de chefs étoilés bretons, sur les traces de Nicolas Conraux et Roellinger, qui ont déjà accueilli sur leurs tables de la vaisselle de verre nommé Glaz, façonnée par Lucile Viaud à partir d’algues et de coquilles d’huîtres. Trois souffleurs de verre et un céramiste sont installés sur les îles. Ce sont eux qui vont prendre le relais de Lucile. Il a fallu construire un four mobile, destiné à voyager d’une île à l’autre. Il a été conçu en coopération avec les écoles de Beaux-Arts de Bretagne et l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Brest (ENIB). De nouveaux liens de toute sorte ont été tissés entre les îles d’une part et entre les îles et le continent d’autre part. Plus d’insularité, c’est plus de solidarité !