Abaoe m’eo bet moullet Le trépassement de Notre-Dame e Brehan, e 1484, gant Jean Crès ha Robin Fouquet, o deus troet hag emdroet rodoù ar milinoù-paper e Breizh. Forzh micherioù kozh a zo aet d’ar baz. Teknologiezhioù Nevez ar C’helaouiñ hag ar C’hehentiñ o deus roet lamm d’al lizherennoù plom. Gant-se e ra freuz-stal an tiez-moullañ a-vordilh. Ar re a zo chomet bev o deus toullet hentoù nevez. Tonket eo Galaksi Gutenberg McLuhan d’ul lusk dibaouez.

 

Le monde au fond de mon panier

Imprimer en Bretagne : l’avenir n’est pas écrit…

Depuis la publication en 1484 du Trépassement de Notre-Dame par Jean Crès et Robin Fouquet, les roues des moulins à papier ont tourné. Nombre de vieux métiers se sont éteints. Les Nouvelles technologies de l’information et de la communication ont définitivement déclassé les lettres en plomb, déclenchant une épidémie de faillites chez les imprimeurs. Ceux qui sont restés vivants ont su tracer de nouveaux chemins. La Galaxie Gutenberg de McLuhan est condamnée au mouvement perpétuel.

Le développement de l’imprimerie était lié autrefois au développement des idées nouvelles. C’est pourquoi le pouvoir royal prit peur devant le succès de l’édition en Bretagne. Des ateliers durent fermer sous la contrainte. En 1704, le nombre des imprimeurs passa de quarante-quatre à dix-sept ! Mais les Bretons n’en sont pas moins restés des lecteurs invétérés, comparativement à la moyenne française. Ce n’est pas un hasard si la Bretagne a donné naissance à deux quotidiens du niveau des grands journaux européens. Ce ne sont cependant plus les idées qui gouvernent l’évolution de l’imprimerie, mais plutôt Internet, les technologies et la mondialisation.

Chez Ouest-France, par exemple, le métier des journalistes a changé. Autrefois, toute une chaîne de personnes coopérait : un journaliste, un maquettiste et un typographe. Désormais, tout est composé par le journaliste sur ordinateur. La page complète est envoyée directement en gravure.

Peu à peu les écrans grignotent le papier. L’an passé, la consommation de papier destiné à l’impression en Europe a diminué de 10 %. “Des marchés entiers ont été engloutis par Internet : les petites annonces, les agences de voyage, les offres d’emploi, les offres de biens immobiliers…” explique Franck Communier, dirigeant de Roto Armor, un rotativiste installé à Plouagat. Pourtant, le papier jouit d’un statut bien particulier, auquel Internet ne peut totalement se substituer. Chez Yves Rocher, par exemple, on commande en ligne mais on reçoit des courriers. Bien que 50 % des imprimeurs aient disparu en l’espace de dix ans, il n’y a aucune fatalité pour ceux qui ont compris que l’avenir ne serait pas la fidèle image du passé.

 

Croître ou mourir

Frank Communier et ses quarante-six salariés ont choisi de croire à l’avenir et de prendre leur destin à bras le corps. En 2007, il fait un LBO* avec deux autres salariés pour reprendre Roto Armor. En Bretagne, ce sont des spécialistes de la rotative huit pages. Mais ce marché donne des signes d’essoufflement. De nouvelles façons d’imprimer prennent peu à peu l’ascendant : l’impression feuille à feuille qui gagne en vitesse, l’impression numérique qui croît rapidement, ou bien des rotatives plus grandes et plus efficaces. Les dirigeants de l’entreprise se font une raison : avec l’aide de la région, du département et d’Oséo, ils investissent trois millions d’euros dans une rotative seize pages. Quitte ou double ! “Avec cette nouvelle machine, nous pourrons conforter nos clients actuels, tirer notre épingle du jeu dans les enchères inversées, prospecter de nouveaux clients potentiels sur toute la France et reprendre des marchés institutionnels en Bretagne…”

 

Imprimeur et coach…

Cloître investit aussi régulièrement dans son outil. L’entreprise reste ainsi à la pointe du progrès, avec ses cent dix-sept salariés à Saint-Thonan. “L’innovation est une tradition pour nous” confient les dirigeants. En 2013, ils ont acquis une nouvelle ligne pour quatre millions d’euros. “On ne peut pas faire autrement si l’on veut rester compétitif et au top de la qualité” assure Christophe Dudit, le jeune Directeur général. L’atelier imprime une large gamme de produits, des plus simples travaux jusqu’aux beaux livres, sans oublier la revue ArMen, s’il vous plaît ! L’impression se fait sur des machines offset et numériques, en feuille à feuille, accompagnée d’une batterie d’outils de façonnage.

Cloître est devenu plus qu’un simple imprimeur, en raison des nombreux services apportés aux clients. Des ateliers pédagogiques gratuits sont organisés sur les variétés de papier, sur les techniques nouvelles, sur la place de l’imprimé dans une stratégie de communication, sur les pièges à éviter quand on imprime un document… Des guides techniques sont mis à disposition des clients. Ils sont invités à valider leurs fichiers en ligne. Grâce au numérique, chaque exemplaire peut être personnalisé, et de tous petits tirages de livres sont envisageables selon les besoins… Cloître est devenu votre imprimeur et votre coach !

 

Tout sous le même toit

Primset a choisi un chemin différent, à Saint-Évarzec, sous la houlette de Pascal Parmentier. “Au départ, en 1987, Primset était un imprimeur ‘en chambre’. Nous n’avions pas de presses, mais nous préparions tout le travail de pré-impression pour confier l’impression à des imprimeurs beaucoup plus grands que nous. Mais avec la baisse des prix, nous avons dû changer notre fusil d’épaule.” Les plateformes d’impression comme Exaprint, sur internet, vendent à des prix imbattables. Ils impriment des travaux standards en amalgame, avec une qualité convenable, ni plus ni moins. Les cartes de visite, par exemple. “Nous ne sommes pas de taille à les affronter sur leur terrain”, explique Mark Gleonec, directeur commercial de l’entreprise, “nous avons donc appris de nouveaux métiers, plus précis et plus divers, qui nous permettent de valoriser un service de proximité auprès de la clientèle environnante : le travail de pré-presse, l’impression numérique et offset, un studio photo intégré, un service Web, la signalétique et la PLV – publicité sur le lieu de vente –, la conception de packagings, l’édition de livres (les éditions du Palémon, qui diffusent les enquêtes de Mary Lester !), un site de vente de livres sur Internet… Vingt-deux salariés s’activent pour faire vivre tous ces métiers. Nous sommes devenus ‘Yann aux mille métiers’, pour satisfaire les besoins de nos clients. Tous les services sous le même toit !”

 

Des frontières bien instables

Steven Guéguéniat a été le témoin de toutes ces mutations depuis qu’il a repris Ouestelio, voici cinq ans, à Brest. Il a choisi de capitaliser sur le service de proximité avec un outillage numérique dernier cri. Les calages machines ne gaspillent pratiquement plus aucun papier. En dessous de 1 500 exemplaires, le rapport qualité-prix-délai est pratiquement imbattable. Un avantage précieux pour la microédition par exemple. Désormais, la plupart des livres en breton, ainsi que les revues Al Liamm et Brud Nevez sont imprimés chez lui.

Steven Guegueniat a compris que les liens entre l’écran et l’imprimé allaient continuer de se resserrer. C’est pourquoi il a fait récemment l’acquisition de l’agence de communication Image de Marque, qui jouxte Ouestelio. “Les frontières sont devenues très instables entre les métiers d’imprimeur, d’éditeur, d’agence de communication ou de libraire… On ne peut plus se contenter d’un métier pour rester en vie et aller de l’avant” dit-il. Il préfère ainsi rester au cœur du système. La chance sourit aux audacieux…

 

* LBO : Leveraged buy-out, une forme de rachat d’entreprise par endettement.

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