Elles sont les stars de l’exposition “Celtique ?” au musée de Bretagne : les huit statuettes gauloises découvertes à Paule et Trémuson. Des œuvres d’art émouvantes qui éclairent la civilisation gauloise en Armorique.
Situées dans l’une des premières salles de l’exposition “Celtique ?”, aux Champs Libres de Rennes, les huit statuettes gauloises en constituent incontestablement l’un des temps forts. Ces émouvants visages de pierre, sculptés dans la pierre il y a plus de deux millénaires, sont les témoins de l’appartenance de la péninsule armoricaine à la civilisation celtique du second âge du fer, entre le vie et le ier siècle avant notre ère. Elles constituent également deux des découvertes les plus marquantes en Bretagne depuis une trentaine d’années, à Paule en centre-Bretagne en 1988, puis à Trémuson, près de Saint-Brieuc, en 2018. En ce sens, ces huit statuettes racontent aussi l’histoire récente de l’archéologie de l’âge du fer dans la région.
Le joueur de lyre de Paule
En 1988, l’État et le conseil général des Côtes-d’Armor lancent une fouille de sauvetage sur un vaste terrain, au lieu-dit Saint-Symphorien, que doit traverser la nouvelle route Glomel-Gourin. À l’époque, deux fouilles de site de l’âge du fer avait fait référence, celle de la ferme du Braden par Jean-Paul Le Bihan et celle de Plouër-sur-Rance par Yves Menez. “On n’avait pas encore fouillé de grandes enceintes, se souvient l’archéologue Claude Le Potier, en charge de l’opération en 1988. À Paule, on a utilisé des méthodes de fouilles assez expérimentales, avec un grand décapage mécanique du site. De nombreux fossés, caractéristiques de la période, sont apparus. On a tout de suite compris qu’on était sur un site très important et complexe.”
Les sites de l’âge du fer sont en effet caractérisés par des fossés en forme de v et des souterrains, dont les parois étaient le plus souvent en bois, qui servaient de caves et d’espaces de stockage. “En 1988, à Paule, on voyait de nombreux fossés se succéder, sans se recouper forcément. Cela nous a posé quelques problèmes d’interprétation et de chronologie”, se souvient Claude Le Potier qui dirige aujourd’hui l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans le grand Ouest.
Les archéologues sont aussi pressés par le temps. Après la fouille, le chantier de la route doit débuter. “Nous sommes tombés sur un fossé gigantesque, de 7 à 8 mètres de largueur. Il était si grand qu’on ne l’avait pas repéré au début. On a décidé de le fouiller à la pelle mécanique. Les premiers remblais étaient pauvres en mobilier mais, dans la dernière couche, nous sommes tombés sur de nombreuses céramiques gauloises et un nombre impressionnant de tessons d’amphores romaines.” À partir du iie siècle avant notre ère, avant la conquête militaire, les Romains ont en effet exporté des quantités astronomiques de vin italien en Gaule.
C’est dans cette dernière strate que tout à coup est apparue une pierre aux formes étranges. “On l’a vue rouler de la pelle mécanique, se souvient Claude Le Potier. On a tout de suite vu que c’était une statue. C’était un moment de surprise et d’émotion. On est allés aussitôt la laver, et l’instrument de musique et le torque se sont révélés. On s’est dit qu’on avait touché le gros lot, tout en nous interrogeant sur ce que c’était comme objet !” Claude Le Potier prévient les services, puis les élus. “J’ai même loué un coffre-fort au Crédit agricole de Rostrenen pour l’entreposer”, s’amuse-t-il.
La statuette de Paule devient rapidement la “star” de l’archéologie bretonne. Elle fait même la Une des journaux, au mois de mai 1988, en compagnie des deux candidats à l’élection présidentielle, Mitterrand et Chirac. Son importance est telle qu’elle convainc les services de l’État et le département de continuer les fouilles de ce site majeur pour la compréhension de l’âge du fer armoricain. Elles se poursuivront jusqu’aux années 2000 sous la direction d’Yves Menez. En 1996 et 1997, trois nouvelles statuettes seront mises au jour, après avoir été découvertes dans des souterrains gaulois. (…)