Les Sonerien Du, photo Gilles Simon

Le groupe de fest-noz Sonerien Du est né en septembre 1972, en plein revival de la musique bretonne. Alan Stivell avait ouvert la voie. Sonerien Du creuse à son tour le sillon, mariant tradition (le sonneur de couple) et modernité (la guitare et l’accordéon). Les fondateurs du groupe sont quatre jeunes musiciens bigoudens : les sonneurs Yann-Korentin Ar Gall et Dany Tanneau, le guitariste et chanteur Raymond Riou et l’accordéoniste Gilles Rolland.

Sonerien Du trouve d’abord ses sources sociales dans le renouveau de la culture bretonne. Précisément, il a pris son envol depuis le cercle celtique Ar Vro Vigoudenn créé en 1954 à Pont-l’Abbé au moment de la toute première “vague celtique”, dans les années 1950. La “vague celtique” est un phénomène spécifique de la seconde moitié du xxe siècle. Une sorte de bulle culturelle au cours de laquelle la matière bretonne suscite l’enthousiasme du grand public, avec un moment de fort engouement suivi d’un moment de reflux. Proposant des intermèdes musicaux entre chaque passage des danseuses et des danseurs du cercle bigouden, l’ensemble informel de musiciens finit par cristalliser un groupe qui, au tout début, est baptisé Ar Sonerien Du. Cette cristallisation se produit précisément au retour d’un long voyage d’été du cercle en Europe du Nord, du 16 août au 6 septembre 1972.

Cette nouvelle formation est aussi un “enfant” des nouvelles classes moyennes éduquées. Le monde du lycée a joué un grand rôle dans la création de Sonerien Du, notamment les lycées privé, le Likès, et public, Cornouaille, de Quimper. De nombreux membres de Sonerien Du y ont étudié et travaillé, en tant que surveillant en particulier. Plus tard, une partie de la génération suivante des musiciens est passée par l’université.

En 1972, c’est Ar Gall qui a trouvé le nom du groupe, Les Sonneurs Noirs. Ce nom fait référence à une légende bigoudène qui évoque l’histoire de deux sonneurs injustement pendus durant l’Ancien régime (voir l’encadré). Dès ses débuts, Sonerien Du instaure sa propre tradition : le renouvellement en continu de ses musiciens. En effet, Yann-Korentin Ar Gall quitte la formation au bout de quelques mois, passant le relais au sonneur Yann Goas. Fin connaisseur des terroirs musicaux bretons, ce dernier va élargir la palette du groupe. Au début de 1973, Didier Quiniou, à la guitare et au chant, et Jean-Pierre Le Cam, à la basse électrique et au chant, rejoignent le groupe. Depuis 1972, Sonerien Du a été animé par 23 musiciens permanents, à savoir présents au moins une année. Cette capacité de Sonerien Du à renaître de ses cendres lui a permis de se renouveler musicalement et de s’adapter à chaque époque musicale.

Au début des années 1970, les “Du”, comme on les appelle affectueusement, osent l’impensable : unifier les différentes traditions de danses bretonnes, à travers le concept de “bal breton”. C’est d’ailleurs le titre donné aux trois premiers albums du groupe, les deux premiers étant enregistrés à Lorient et publiés la même année de 1973 : Bal breton Vol.1 au printemps, Bal breton Vol.2 à l’automne. En 1975, Bal breton Vol.3 est enregistré dans un studio d’Angers, avec le guitariste Dan Ar Braz et le batteur Michel Santangelli. À l’époque, cette façon de passer au-dessus des frontières, typique de la seconde “vague celtique” (1972-1981), n’est pas toujours appréciée. Jean-Pierre Le Cam souligne : “On a souvent reproché aux Sonerien Du d’être trop ceci ou d’être trop cela…” Le paradoxe est d’ailleurs assez amusant : accusés d’être trop modernes dans les années 1970 et 1980, ils ont été considérés comme des “dinosaures” dans les années 1990.

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