Bloody Sunday, 50 ans après

Il y a cinquante ans, à Londonderry (aujourd’hui Derry), une bavure de parachutistes britanniques achève de transformer les graves affrontements communautaires qui déchirent l’Irlande du Nord depuis 1968 en une véritable guerre.

Depuis la première grande manifestation pour les droits civiques à Londonderry le 5 octobre 1968 (voir ArMen n° 226), les troubles entre catholiques et protestants se sont aggravés en Irlande du Nord, à tel point qu’à partir de juillet 1969, le gouvernement britannique envoie des troupes de plus en plus nombreuses. L’importance des affrontements est telle que le 9 août 1971, le gouvernement de Belfast rétablit une loi d’exception, mise en place dès 1922, permettant un internement administratif sans jugement de toute personne déclarée suspecte. Pour protester contre les arrestations arbitraires qui se multiplient, l’Association pour les droits civiques en Irlande du Nord décide d’organiser une grande manifestation le 30 janvier 1972 à Londonderry, ville où les catholiques sont largement majoritaires (40 000 sur 56 000 habitants),

Le but initial de cette marche était la tenue d’un meeting devant l’hôtel de ville où Bernadette Devlin, jeune députée catholique de l’Irlande du Nord à la Chambre des communes, devait prendre la parole. Pour l’en empêcher, le général Robert Ford, commandant des forces armées britanniques en Irlande du Nord, fait ériger plusieurs barricades, isolant ainsi le centre-ville, et envoie sur place le 1er bataillon du régiment de parachutistes pour renforcer les forces locales. Le 30 janvier en début d’après-midi, quittant le quartier de Creggan, une foule importante d’hommes, de femmes et d’enfants, entre 15 000 et 20 000 personnes, se dirige vers le lieu de rassemblement jusqu’à ce qu’une barricade militaire lui bloque le passage. Le gros du cortège bifurque alors vers le quartier catholique du Bogside, mais quelques jeunes manifestants ne peuvent s’empêcher de lancer des pierres et des bouteilles vides sur les soldats gardant la barricade. Ceux-ci ripostent à coup de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de balles en plastique. Rien de trop grave jusque-là. Mais vers 16 h, à l’écart de cette petite émeute, éclatent les premiers coups de feu à balles réelles tirés par des parachutistes sur la foule se dirigeant vers le Bogside.

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