Emmanuel Guerdon et Philippe Guillonnet procèdent à l’enlèvement du tiers supérieur du tronc. ©Koruc

Sur toute la façade atlantique de l’Europe, si l’usage d’embarcations pour des déplacements et transports par voies d’eau ne fait pas de doute pour les temps historiques, qu’en est-il des temps préhistoriques ? Au large de la Bretagne, les premières occupations humaines des grands espaces insulaires, que sont Guernesey, Houat/Hoëdic, Groix et Belle-Île, sont pour la plupart datées du 7e millénaire. Certains indices permettent même d’évoquer la possibilité de liens directs entre la Galice et la Bretagne, à travers le golfe de Gascogne, au milieu du 5e millénaire. Par ailleurs, le trajet parcouru par certains mégalithes de Bretagne entre la carrière et leur lieu d’érection prouve le transport de charges lourdes par voies d’eau. Il en est ainsi du grand menhir de Locmariaquer avec ses 20 mètres de long et ses 330 tonnes, déplacé sur une dizaine de kilomètres à travers le golfe du Morbihan. Quelles embarcations ont permis ce transport ? Seule l’expérimentation scientifique de construction et de maniement d’embarcations reconstituées selon les techniques de l’époque permet d’avancer des hypothèses et de répondre à certaines questions primordiales. C’est l’objectif de l’association bretonne Koruc, du nom médiéval désignant les premiers bateaux de peaux européens (coracles, curraghs).

Présidée par Vincent Bernard, chercheur au cnrs à l’université de Rennes 1, l’association réunit archéologues, médiateurs de la Préhistoire et chercheurs. Elle est née en décembre 2020, au moment du confinement, d’un “besoin de se rencontrer, de sortir, d’échanger pour tenter de trouver des réponses à nos nombreuses questions sur les méthodes de construction des embarcations, leurs capacités nautiques et leurs procédés de navigation”. Quelles techniques de construction ont été mises en œuvre ? Quels gestes d’entretien pour assurer la plus grande pérennité aux différents types d’embarcations, à quel rythme ? Quelle charge peuvent porter une pirogue et un bateau de peaux, ou un système couplé de pirogues ? Quelle propulsion apporte le meilleur rendement entre la pagaie, la perche de manœuvre et le halage pour remonter un cours d’eau ? Quel est la vitesse moyenne de déplacement sur un long trajet fluvial avec portages ?… Pour tenter d’y apporter les réponses, un programme sur cinq années a été défini, en partenariat avec l’entreprise Préhistoire interactive, structure bretonne dédiée à la médiation en archéologie et forte d’une certaine expérience en construction de pirogues (une dizaine d’exemplaires réalisés) et en abattage d’arbres à la hache de pierre. “Au cours de ces cinq années, nous allons fabriquer et tester différents types d’embarcations, pirogues, bateaux de peau ou encore radeaux de transport de charge, en reconstituant toute la chaîne opératoire, depuis l’abattage d’arbres, avec des outils préhistoriques, jusqu’à la navigation”, précise Vincent Bernard. (…)

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