Gant ul lanvad bonedoù ruz e oa bet beuzet kreiz-kêr Kemper d’an 2 a viz Du 2013 e koun emsavadeg ar Bonedoù Ruz kentañ e 1675. Ar re-se, aet faezh gant an taosoù a waske o chouk, o doa tapet krog en o filc’hier ha graet un tamm mat a reuz dre ar vro a-enep ar galloud kreiz hag an Aotrouien… An dilabour hag an ekotaos o deus dihunet anezho. Petra zo kaoz he deus graet an arouez-se kement a verzh ? Peseurt bombezenn he deus tanet boulc’henn an ekotaos ? Petra a c’houlenn ar Vretoned erfin ?

 

Le monde au fond de mon panier

Le retour des bonnets rouges

Une marée de “bonnets rouges” a envahi le centre-ville de Quimper le 2 novembre 2013, en référence au soulèvement des premiers bonnets rouges en 1675. Ceux-là, écrasés par les taxes, s’étaient emparés de leur fourche pour mettre le pays à feu et à sang en défiant le pouvoir central et les puissants de ce monde… le chômage et l’écotaxe les auront réveillés. Qu’est-ce qui explique que le symbole du bonnet rouge ait rencontré un pareil succès ? Quelle bombe a allumé la mèche de l’écotaxe ? Au fond, que demandent les Bretons ?

“C’est avec la force des images que l’on fait les révolutions” écrivait André Breton. Elles sont des miroirs dans lesquels un peuple entier peut se reconnaître et se sentir uni par un destin commun. Il en est ainsi des bonnets rouges, étouffés par un pouvoir aveugle et sourd : “Re zo Re” (Trop c’est trop) pouvait-on lire sur une banderole largement déployée sur le mont Frugy, au-dessus de la place de la Résistance à Quimper.

Cette fois, ce ne sont pas seulement les paysans qui ont relevé la tête. À leurs côtés manifestaient des ouvriers, des syndicalistes, des pêcheurs, des autonomistes, des commerçants, des employés, des cadres, des patrons de PME… Toute chose qui dépasse l’entendement des jacobins d’extrême gauche. C’était trop nouveau pour eux. C’est pourquoi ils ont préféré se moquer des 30 000 manifestants, parmi lesquels pourtant bon nombre d’ouvriers licenciés ou en passe de l’être, issus de Doux, Gad, Marine Harvest… “Une bande de nigauds” selon Mélenchon, quand ce ne sont pas des “traîtres”…

Il est vrai qu’il n’est pas facile d’analyser une manifestation dont les participants et les slogans sont aussi divers. Jamais Quimper (Confluent, en breton) n’avait si bien mérité son nom. Était ainsi réclamé, pêle-mêle, que soit supprimée l’écotaxe, nationalisées les entreprises, débouchés les tuyaux de l’administration, interdits les licenciements, réunifiée la Bretagne, sauvée l’usine de Poullaouen, décentralisé le pays, changé le modèle de production, et que sais-je encore… Ce n’est pas la coupure droite/gauche qui apparaissait cependant, mais bien plutôt le fossé entre pouvoir central et absence de pouvoir local, entre l’État français et la Bretagne. Souvenons-nous de Lamennais : “La centralisation, c’est l’apoplexie au centre, la paralysie aux extrémités.” Qu’est-ce donc qui constitue le noyau dur de la revendication ? Moins de taxes, plus de travail. “Vivre, décider et travailler au pays.” La révolte du peuple breton se lit dans le raz de marée des bonnets rouges et sa volonté de faire avancer la Bretagne et ses libertés dans la forêt des gwenn-ha-du. Les Bretons ne demandent pas l’aumône, mais plus d’initiative : “laissez-nous faire.”

 

La duperie de l’écotaxe

Les défenseurs de l’écotaxe ont beau jeu de rappeler qu’elle ne peut être la cause des difficultés de Doux, Gad et les autres. Elle n’est pas encore en application et ne le sera probablement jamais. Elle n’est certes pas la cause, mais elle n’en est pas moins révélatrice. Elle met en évidence les défauts consubstantiels à notre administration.

Elle nous trompe. L’écotaxe n’a aucun rapport avec l’écologie. Elle ne servira qu’à l’entretien des routes en Bretagne, et non pas à financer de nouveaux moyens pour transporter les marchandises.

Les serviteurs de l’État ont créé un écheveau indémêlable. Personne n’est capable d’expliquer en détail comment cette écotaxe fonctionne. Il existait des modalités infiniment plus simples de faire payer leur écot à tous les pollueurs, par exemple en augmentant de deux centimes le prix du litre de carburant. Mais cette méthode aurait rappelé ostensiblement que la part prélevée par la TICPE sur le prix de l’essence est déjà bien lourde : 44 centimes sur chaque litre de diesel et 61 centimes sur chaque litre d’essence tombent directement dans la poche de l’État ! Et cela ne lui suffit pas pour entretenir le réseau routier, dites-vous ?

L’écotaxe est injuste et contraire aux règles de la République. Plus on est loin, plus on paye. Une usine située aux confins du territoire s’en trouverait durement pénalisée quand bien même elle ferait vivre tout un village. Avec de pareilles règles, le Finistère se transformerait peu à peu en désert.

Il est manifeste que l’administration centrale ne comprend rien à la disparité des territoires en France. Sous prétexte d’appliquer les mêmes règles partout, c’est la diversité des besoins locaux qui est reniée. Mais il y a pire, ce principe d’égalité de traitement ne vaut pas à Paris. Entre 2004 et 2010, selon la Cour des Comptes, 30 des 35 nouveaux grands équipements culturels français ont été réalisés sur Paris.

Enfin, l’écotaxe est un gaspillage. Son fonctionnement coûterait 250 millions d’euros aux contribuables. Pourquoi ? Personne ne sait…

“Re zo Re” répondent les bonnets rouges…

 

Changer de modèle ?

La filière porcine et la filière volaille ont fait l’objet d’une condamnation unanime. Trop peu de valeur ajoutée, des prix trop dépendants du cours du soja, des restitutions douanières trop incertaines, un euro trop fort, des salaires allemands trop bas, trop peu d’investissement, trop de pollution, une qualité trop basse… Trop c’est trop !… À quoi il serait bon d’ajouter quelques motifs moins souvent évoqués, tels que le troc exercé à l’étranger par la France du secteur agroalimentaire en échange de centrales nucléaires, de TGV et d’avions Airbus, ou bien encore les règles administratives tellement étouffantes que des éleveurs jettent l’éponge. La baisse de la production implique la sous-activité des abattoirs. Ces derniers n’ont donc plus la possibilité d’investir pour moderniser les outils. Petit à petit, la productivité des abattoirs danois est devenue 40 % supérieure à celle des abattoirs bretons. Les produits sont-ils mauvais ? Aucunement. Ce sont des produits simples de qualité intermédiaire. Ils correspondent à un immense marché mondial. Ce qui n’est pas produit en Bretagne l’est ailleurs, et consommé comme avant par les Français.

Que faire alors ? Des produits bio ou des produits de masse ? 93 % de la nourriture produite en Bretagne quitte nos frontières. Si le choix était fait de nous contenter des produits bio ou des produits premium, le chômage augmenterait immanquablement, car le marché des produits bio ne pèse guère plus de 3 %.

Ne serait-il pas plus sage de développer des modèles de production divers répondant à des besoins tout aussi divers. D’un côté les produits bio et les circuits courts, de l’autre les produits de cœur de marché, destinés à être vendus dans le monde entier, et provenant d’usines modernes approvisionnées par des exploitations agricoles respectueuses de l’environnement. Et c’est possible ! La Cooperl a ouvert de nouvelles voies en développant la médication sans antibiotiques, en nourrissant une partie des porcs sans OGM, en abandonnant la castration des mâles, en traitant le lisier pour les dépolluer. Et ce n’est pas fini. Des progrès spectaculaires sont à attendre dans le futur. Il existe désormais plusieurs modèles en Bretagne. Et notre économie gagnera en stabilité à marcher sur plusieurs pieds.

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