Georges Cadiou

S’il n’a pas – encore – gagné de trophée majeur, le Stade Brestois s’est aujourd’hui imposé comme l’un des clubs majeurs de Bretagne. Historien du sport et journaliste, Georges Cadiou retrace l’histoire souvent mouvementée du football dans la cité du Ponant.

“On a quand même eu Goycochea,

Stéphane Guivarc’h, David Ginola,

Vincent Guérin, Martins Corentin,

Bernard Pardo, Bernard Lama,

Quand je me remémore ce qu’on avait comme cuisse

On a quand même trouvé le moyen de sortir de piste

Quand je me remémore, aujourd’hui je le déplore

Ce qu’on a pu faire comme trou dans le coffre-fort.”

Ces paroles de la chanson de Christophe Miossec, “Stade Brestoà” datent de 1997. Comme souvent, elles sont aujourd’hui obsolètes, le club brestois qui était alors au fond du trou a, peu à peu, refait surface, jusqu’à cette formidable troisième place en Championnat de Ligue 1, synonyme de participation à la Champion’s League 2024-25, la grande Coupe d’Europe de football pour les meilleurs clubs européens.

Jusque-là, même si les Brestois étaient revenus dans l’élite du foot français, le club de la pointe du Finistère restait à la traîne, question palmarès, par rapport à ses quatre voisins des quatre autres départements bretons : le FC Nantes avait aligné les titres de champion et même fini par gagner la Coupe de France, le Stade Rennais avait gagné cette Coupe de France, à trois reprises, et même le FC Lorient et En-Avant de Guingamp s’étaient imposés en finale de cette compétition fort prisée des supporters. Avec une 8e place (la meilleure alors obtenue en championnat) et l’accession aux quarts-de-finale de la Coupe, Brest faisait pâle figure. Jusqu’à cette magnifique saison qui a vu les Finistériens se hisser jusqu’au deuxième tour de la Champion’s League. Désormais, le Stade Brestois 29 pouvait regarder, sans complexe, ses rivaux régionaux !

Une histoire de vélo

Le football brestois est né grâce au vélo ! Les premiers matchs de foot ont en effet eu lieu sur la pelouse centrale du vélodrome de Kérabécam (construit en 1893, détruit en 1937 pour faire place à l’hôpital Morvan). Ces matchs étaient organisés par le Véloce-Club Brestois. En 1903, la section sportive du patronage catholique Saint-Louis prend le nom d’Armoricaine. Sa devise, “Pen Huel” (« tête haute » en breton), est toujours le nom de la tribune principale du stade Francis-Le-Blé, l’ex-Stade de l’Armoricaine. Un nom a marqué l’histoire de l’Armoricaine, celui d’Alex Thépot, qui quittera Brest pour les grands clubs parisiens et qui fut le gardien de but de l’équipe de France lors de la première Coupe du Monde, en 1930, en Uruguay. Il sera encore présent en 1934, lors de la deuxième Coupe du Monde en Italie.

D’autres clubs omnisports, mais avec une prépondérance pour le football, se créent à Brest et dans sa banlieue, les principales communes voisines finissant par fusionner avec la ville centre pour donner le « Grand Brest » en 1950. Naissent ainsi, au tout début du XXe siècle, l’Association Sportive Lambézéléenne, l’Union Sportive Brestoise, la Jeunesse Sportive Kérinéenne, l’Union Sportive Ouvrière, la Jeunesse Sportive Brestoise, plus tard l’Étoile Rouge. Peu avant la Première Guerre mondiale, l’AS Lambézellec fusionne avec la JSB, la Jeunesse Sportive Brestoise, pour donner naissance à l’ASB, l’Association Sportive Brestoise. C’est alors, et pour une longue période, le meilleur club brestois.

Rivalités politico-religieuses

Mais dans le contexte d’une lutte acharnée entre patros cathos et organisations dites laïques, lutte qui se poursuivra sur le plan scolaire, les divers clubs d’orientation catholique de Brest décident de s’unir, en 1950, autour de l’Armoricaine. Il y a l’Avenir Saint-Martin, la Flamme du Pilier Rouge, la Milice Saint-Michel et les Jeunes de Saint-Marc. Le nouveau club est baptisé Stade Brestois. C’est un prêtre, le chanoine Balbous, curé-archiprêtre de Saint-Louis qui a longtemps présidé les assemblées générales du nouveau club. Ce sera encore le cas dans les années 1980-1990, les AG restant toujours présidées par un ecclésiastique !

Peu à peu, le Stade Brestois gravit les échelons jusqu’à rejoindre, en 1958, son rival, l’ASB, en CFA, le championnat de France amateur, alors troisième échelon du football national, avant les deux divisions professionnelles. Brest était alors la seule ville de France à avoir deux clubs en CFA.

Entre 1958 et 1967, la lutte est sévère entre les deux clubs brestois, le catho et le laïc. Le premier duel entre les deux équipes, à ce niveau, le 28 septembre 1958, tourne à l’avantage des stadistes vainqueurs 2 à 0 (buts de Bergot et de Drogou). D’une manière générale, au classement final, c’est plutôt l’ASB qui finissait en tête, mais, dans les derbies, au stade de l’Armoricaine et à Ménez-Paul, le terrain de l’ASB, c’était autre chose ! Il y eut 12 rencontres de championnat entre les deux rivaux durant ces neuf années : le Stade Brestois s’imposa à six reprises, l’ASB cinq fois et il y eut un match nul.

Ces matchs entre les deux clubs passionnaient les foules. 10 000 personnes en moyenne et même un record à 13 311, le 6 octobre 1960, à Ménez-Paul. Plusieurs joueurs ont marqué cette période : Cuiffardi, Jo Siche, Drévillon, Wrobel, Daniel, Delorme, Tonnard, Globez, le Britannique Page-Jones, Tréguer, Ribeyre et Armand Fouillen.

Lire a suite dans ArMen n°269

Autres articles de ce numéro:

A lire également