Adalek 2015 ne vo mui a feurbarzhioù laezh en Europa. Daoust hag-eñ e teuio laosk war al laezh ? Daoust ha lonket e vo ar re vihan gant ar re vras ? Peseurt gwerzh a vo kavet d’al laezh, pa vez peurvec’hiet hor marc’hadoù hengounel ? Daoust ha ne vo ket dilezet an atantoù laezh gant ar saverien yaouank, erru poazh gant goro ar saout Sul, gouel ha pemdez, ha dedennet pe touellet gant priz uhel an edeier ? Un dazont gwall ziasur evit doare… Ar c’hontrol kaer eo koulskoude, a embann a-zevri pennoù-bras al laezherezhioù e Breizh, gant ma vo sellet dreist an harzoù gant un tamm herder.

 

Le monde au fond de mon panier

Pas de frontières pour l’or blanc

À partir de 2015, il n’y aura plus de quotas laitiers en Europe. En résultera-t-il une chute du prix du lait ? Les petits seront-ils avalés par les gros ? Quels débouchés trouvera-t-on pour le lait, quand nos marchés traditionnels sont saturés. Les exploitations laitières ne vont-elles pas être abandonnées par de jeunes éleveurs fatigués d’être astreints à la traite les dimanches et jours de fête, et séduits par le prix élevé des céréales. Un avenir bien incertain, à première vue… C’est tout le contraire, martèlent les responsables des laiteries bretonnes, pour peu que nos regards se portent au delà des frontières avec un peu d’audace.

Ne confondons pas aléas conjoncturels et tendances de fond. Si l’on constate des difficultés et un peu de tirage entre les acteurs de la filière, ce n’est pas du fait des marchés mondiaux, mais à cause de mésententes. “Les distributeurs, les transformateurs et les producteurs se renvoient la balle” explique Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture. Car quand on examine de plus près les besoins mondiaux en lait, aujourd’hui et demain, il y a lieu d’être optimiste, voire enthousiaste. “Le monde a soif de lait pour au moins trente ans” déclarait récemment Vincent Chatellier, économiste de l’INRA. Et il est bien vrai que les besoins ne cessent de croître. La Chine importait 51 000 tonnes de poudre de lait en 2000. En 2013, ses importations atteindront 410 000 tonnes. On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi Synutra investit 90 millions d’euros à Carhaix. La consommation de produits laitiers augmente à mesure que se développent les classes moyennes. Ce sont aujourd’hui 1,8 milliard d’individus dans le monde. Ils seront 4,9 milliards en 2030. Un tsunami ! En 2012, chaque Chinois consommait en moyenne 38 kilos de lait. Ce chiffre pourrait être de 60 kilos en 2030. Selon le dernier rapport de la CIA, la population mondiale passera de 7,2 milliards en 2012 à 8,3 milliards en 2030, et les besoins en nourriture devraient croître de 35 % sur la même période. Si inquiétant cela soit-il, ceux qui seront en mesure de produire du lait n’en disposent pas moins d’un trésor, pour peu qu’ils échappent à la pression des céréaliers dont les prix font du yoyo sous l’influence de la finance.

 

L’invasion des robots de traite

La route est largement ouverte en Bretagne. “Les caractéristiques pédoclimatiques de notre région en font un des territoires les plus propices à la production de lait dans le futur, au même titre que la Normandie, l’Irlande, les Pays-Bas ou la Hollande…” explique Bertrand Rouault, qui dirige la laiterie HCI à Herbignac (44). Les territoires ont tendance à se spécialiser en fonction de leurs caractéristiques. La Bretagne (B5) produit un quart du lait français. Ici, l’herbe pousse abondamment et l’on est moins contraint de s’approvisionner à l’extérieur pour compléter la ration des animaux. L’autonomie protéinique est un objectif important pour échapper aux marchés boursiers. Par ailleurs, avec l’aide des robots de traite et du fait du mode d’organisation en Gaec, la vie va devenir plus facile pour les éleveurs. “Vacances et loisir ne sont plus des gros mots. Les éleveurs de vaches laitières n’auront plus le fil à la patte qui les entravait autrefois”, prévoit Michel Magueur, un des dirigeants de la Sill, un groupe laitier de taille intermédiaire installé à l’ouest de la Bretagne et à Saint-Malo. 10 % des élevages sont équipés de ce type de robots aujourd’hui. La majorité des exploitations le seront dans un futur proche, et les élevages seront surveillés à l’aide d’applications smartphone.

 

Le roi du chocolat

Le destin des entreprises est lié à celui des éleveurs. Bertrand Rouault et Michel Magueur ont confiance en l’avenir. Un avenir ouvert sur le vaste monde. Les exportations de la Sill représentent 35 % de leurs ventes et ce taux est appelé à croître. L’entreprise travaille depuis plus de trente ans avec l’étranger. Poudre de lait, beurre, cream-cheese sont expédiés au Japon, en Corée, en Chine, à Singapour, où la laiterie a installé un bureau, mais aussi en Algérie, en Afrique noire… L’entreprise peut se prévaloir d’une longue expérience dans le domaine de la poudre de lait destinée à l’industrie du chocolat. La Sill compte parmi les cinq premiers acteurs mondiaux sur ce marché. Le procédé de séchage de la poudre, appelé roller hatmaker, lui permet de se mélanger parfaitement au cacao. C’est un marché de niche, mais l’entreprise travaille sans cesse à la mise au point de nouvelles spécialités industrielles ou grand public, dans le domaine de l’ultrafrais notamment, qui permettent de dégager davantage de valeur ajoutée. Un travail de longue haleine. “Kammed ha kammed e reer tro ar bed” (Pas à pas, on fait le tour du monde) si l’on en croit notre dicton breton.

 

Audace et persévérance.

Le chemin tracé par HCI est tout différent. En 2008 a été inaugurée à Herbignac une usine de mozzarella ultramoderne, portée par un groupe d’entreprises (Eurial, principal actionnaire, avec Ingredia, Bonilait Protéines et Sodiaal). Ils ont investi 55 millions d’euros pour mener à bien ce projet stratégique. Mieux valait ne pas se tromper… Le site a été saturé en quatre ans. 240 salariés produisent 30 000 tonnes de mozzarella. De quoi assurer la consommation de trois millions d’amateurs de pizza par jour ! Ce fromage dégage une valorisation supérieure à la moyenne observée sur d’autres marchés. Herbignac est une des trois plus grandes usines d’Europe. Elle n’est pourtant pas surdimensionnée. Quatre usines produisent chacun plus de 100 000 tonnes de mozzarella aux USA. Il n’est donc pas question ici de marché de niche, mais bien de marché de masse. 2,5 millions de tonnes de fromage à pizza sont consommées chaque année dans le monde… le fromage est conçu sur la base d’une analyse fonctionnelle des besoins : le nappant, le dorant, le filant… Les constituants essentiels du lait sont séparés par écrémage, microfiltration, ultrafiltration, avant d’être réassemblés selon les exigences de telle ou telle recette. Cinq composants naturels du lait sont mesurés et ajustés toute les trente secondes par un ordinateur. C’est le processus de standardisation. L’usine est plus propre qu’une clinique. L’énergie nécessaire est fournie par une chaudière qui avale 27 000 tonnes de bois par ans : c’est une diminution de 15 000 tonnes des émissions de CO2 dans la nature. Le site a été pré formaté pour accueillir une seconde ligne de production. Bienvenus dans cet univers de science-fiction ! Une chose est bien réelle pourtant : l’avenir des éleveurs laitiers bretons est assuré.

A lire également