Erwan Chartier et Marie Sers
La Bretagne possède un nouveau musée des beaux-arts, à Châteauneuf-du-Faou. Consacré à un couple d’artistes, Paul et Margueritte Sérusier, il vient s’inscrit dans un réseau d’établissements qui nous rappellent l’importance de la péninsule dans l’histoire de l’art des XIXe et XXe siècles.
Ouvert en musique le 21 juin, le musée Sérusier de Châteauneuf-du-Faou est l’un des projets culturels les plus enthousiasmants de l’année 2025 en Bretagne. Il rend hommage à Paul et Marguerite Sérusier, un couple d’artiste qui a marqué la région et l’histoire de la peinture de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. En effet, si Paul Sérusier, le Nabi ou, comme le définissait l’historienne de l’Art, Denise Delouche (lire ArMen°9, 1987), « le théoricien des audaces de Pont-Aven » est célèbre, l’œuvre de sa femme, Marguerite, méritait largement une meilleure exposition. « A travers 200 œuvres, explique Tugdual Braban, maire de Châteauneuf, nous avons pour ambition de retracer la longue vie et l’œuvre de ces deux artistes, tout en évoquant leur entourage artistique et leur époque. »

P3 Paul Sérusier, La Foire à Châteauneuf-du-Faou (c) Musée Sérusier – Bernard Galéron.
Le musée occupe plusieurs habitations entre la mairie et l’église de la capitale du pays Dardoup. Après plusieurs années de chantier, retardé par la pandémie, l’espace d’exposition occupe plusieurs étages. On débute donc au deuxième un parcours qui se veut pédagogique, trilingue (anglais, breton et français) et interactif avec des bornes numériques.
« Collection révélée »

Paul-Serusier-Paysage-au-ruisseau-dans-la-foret-c-Musee-Serusier-Bernard-Galeron.
« L’exposition permanente a été pensée comme une collection révélée aux Châteauneuviens et aux visiteurs », indique Tugdual Braban. Le jeune maire sourit en évoquant son bureau où l’on entrait comme dans un coffre-fort, avec des volets fermés et des contrôles d’hydrométrie pour protéger les œuvres de Sérusier entreposées là. Il a en effet fallu une cinquantaine d’années pour constituer patiemment cette collection, alimentée par des dons et des achats par les premiers magistrats de la commune. C’est en effet Georges Le Meur qui, dans les années 1970, a l’idée d’aquérir un premier tableau, Le Foire de Châteauneuf. « Il était parti à Paris avec un ami. Au retour, conscients de la valeur de ce qu’ils transportaient, ils n’avaient fait aucun arrêt ! », se souvient son fils, Yann Le Meur. Depuis de nombreuses années, l’idée d’un musée était dans l’air, mais la collection municipale restait innacessible au public.
C’est désormais chose faite et le parcours débute par une évocation des premiers séjours de Sérusier en Bretagne et, bien entendu, de sa rencontre avec Gauguin à Pont-Aven. Ce dernier le conseil et lui intime d’utiliser des couleurs vives tout en développant sa propre vision pour réaliser une première œuvre, le Talisman, considéré comme le manifeste artistique des Nabis. Cet espace est aussi consacré à l’effervescence artistique dans le sud de la Cornouaille dans les années 1880.

Paul-Serusier-Autoportrait-a-la-barbe-rutilante-c-Musee-Serusier-Bernard-Galeron
La seconde salle évoque les Nabis, ce groupe d’artistes talentueux de la fin du XIXe siècle, dont Sérusier a été l’un des fondateurs en 1888. Le terme signifie « prophète en hébreu » ou « illuminé », ce mouvement postimpressionniste et d’avant-garde, se piquant également de spiritualité voire d’ésotérisme. La troisième salle est d’ailleurs consacrée à leurs sources d’inspiration religieuses. « Paul Sérusier est un peintre, mais aussi un théoricien, note Anne Le Duigou, cheffe du projet et reponsable des collections et des expositions. Il a de fortes influences spirituelles et philosophiques. Il utilise le nombre d’or. Il s’intéresse à certaines doctrines monastiques. » Plusieurs bornes tactiles permettent de se familiariser avec cet univers, avec des petits jeux et des quizz. « Il est important d’avoir des espaces ludiques, explique Tugdual Braban. Cela permet de s’adresser à tout le monde. On pourra aussi consulter la riche correspondance de l’artiste.
La quatrième salle est consacrée à Margueritte, la femme de Paul dont elle fut l’élève à Paris. « Elle a beaucoup travaillé sur les arts décoratifs, indique Anne Le Duigou. C’est vraiment une personnalité à découvrir, particulièrement ses travaux sur le cuir. »
La suite dans ArMen n°267



