Quelques mois après le quatre-vingtième anniversaire du “tocsin” qui appelait à la mobilisation générale, paraissait en octobre 1995 dans la revue ArMen un article conséquent de Roger Laouénan, “Les soldats bretons dans la Grande Guerre”, illustré de main de maître, avec tendresse et talent, par Mathurin Méheut en capote bleue et pantalon garance. ArMen poursuit son Œuvre encyclopédique en proposant, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, à l’occasion de cette commémoration de la “der des ders”, un deuxième volet à cette première analyse.
À la pointe de la recherche, l’historien Yann Lagadec, l’un des organisateurs du colloque “La Grande Guerre des Bretons” qui se tiendra en mai 2014, propose en évitant le travers “trop régionaliste” ou “trop localiste” une approche régionale de la Grande Guerre qui constitue, selon lui, potentiellement l’une des voies du renouvellement historiographique. Dès l’été 1914, la Bretagne s’avère un observatoire privilégié du “lugubre changement de décor qui venait de s’accomplir sur la scène du monde”. Les mobilisés prennent le train. De nombreux réfugiés viennent s’installer en Bretagne. Dès le 15 août, les premiers prisonniers allemands arrivent à Rennes. Comment la Bretagne, comment les Bretons sont-ils entrés en guerre ? La fleur au fusil ou le cœur au bord des lèvres ?
Les correspondances des poilus en disent précisément beaucoup sur le sort des Bretons, sur leur état d’esprit, sur la douleur, la séparation, sur la peur, l’incompréhension, la solidarité, en temps réel, au jour le jour, comme le révèle la journaliste Gwenaëlle Abolivier qui a exhumé des courriers inédits. Inédit aussi le fonds photographique atypique du médecin photographe Louis Marie Dujardin, classé aux archives départementales du Finistère. Les clichés du docteur Dujardin ne représentent aucune scène de front, aucune scène de première ligne. Nous sommes, avec lui, à l’arrière-front, réconfortant et soignant. C’est en cela que ces différents témoignages, morceaux de guerre, sont poignants.
Chloé Batissou