Le 9 juin prochain, des dizaines de personnes vont rejoindre à pied, à cheval ou encore dans une remorque de tracteur l’île Saint-Gildas depuis le village de Buguélès, sur la commune de Penvénan, dans le Trégor. C’est sur cette propriété privée uniquement accessible, à pied, à marée basse, qu’est organisé le pardon annuel de Saint-Gildas. Si la dévotion à ce saint remonterait au xve siècle, elle ne fut alors, selon l’historien Thierry Hamon(1), l’objet que de démarches individuelles avant de prendre la forme actuelle dans les années 1830.
Ces années 1830 sont effet marquées par la première épidémie de choléra, à partir de mars 1832, pour se propager par vagues jusqu’en 1835, faisant des milliers de victimes, entraînant la mort de 126 Paimpolais au cours de l’été 1832. La petite commune de Penvénan n’y échappe pas et 44 personnes y succombent au cours de l’automne. “Les Penvénannais se tournent alors spontanément vers saint Roch, réputé pour protéger et guérir de la peste”, rapporte Thierry Hamon. Or, ce saint fait lui aussi l’objet d’un culte traditionnel sur l’île Saint Gildas, où le petit oratoire situé dans l’enclos de la chapelle lui est dédié. L’historien s’appuie sur le témoignage de François Guélou, un agriculteur de Penvénan : “C’est seulement depuis le choléra que l’on dit la messe presque tous les ans dans la chapelle de Saint-Gildas.” Et aussi sur les écrits de Benjamin Jollivet (1804 – 1867), écrivain, éditeur, et imprimeur guingampais, mais aussi auteur du premier dictionnaire d’histoire et géographie des Côtes-du-Nord : “Le Pardon a lieu le dimanche et le lundi de la Pentecôte, et l’on conduit sur l’île les chevaux de tous les points de la paroisse, car les cultivateurs sont persuadés que sans cela, ces animaux seraient exposés à des maladies pendant l’année ; sans attendre bien souvent que la mer soit entièrement retirée, les cultivateurs lancent à fond de train leurs chevaux vers la chapelle, où chacun voudrait arriver le premier : c’est un honneur envié pour sa monture et pour lui-même. Arrivé à la chapelle, il fait manger à son cheval un pain qui a touché préala-blement le pied de la statue de saint Gildas, et se retire ensuite plein de confiance en la protection de celui-ci ; ce Pardon attire chaque année une affluence considé-rable de visiteurs. Derrière la chapelle, on remarque, tracée dans le granit, l’empreinte parfaite d’un corps humain : c’est là, dit-on, que couchait saint Gildas.” Le contexte des années 1970 met en sommeil le Pardon aux chevaux, dont le dernier se déroule le dimanche 25 mai 1969. Au milieu des années 1980, la tradition reprend ses droits, à l’initiative du recteur Legrand et avec le concours de l’Amicale des Plaisanciers de Penvénan, qui assure en bateau le passage des pèlerins à partir de la cale de Port-Blanc, les chevaux rejoignant l’île plus tôt depuis le village de Buguélès. Cette traversée mari-time n’étant pas sans risque, le comité d’organisation propose, depuis 1994, tracteurs et remorques à celles et ceux qui veulent rejoindre l’île pour ce pardon qui aura lieu dimanche 9 juin.