Caroline, étudiante photographiée dans sa voiture; à Carentoir

Dans le cadre de la seconde édition de la résidence de création “Ruralité(s)” du Festival Photo, Jérôme Blin, photographe installé à Rezé (44), a passé deux mois à sillonner les routes de la région de La Gacilly en début de cette année. Équipé d’une chambre photo et d’un moyen format argentique, il est allé à la rencontre des jeunes : “C’est en pensant à des copains de jeunesse qui sont restés vivre dans leur commune natale, ou tout à côté, que l’idée m’est venue de montrer ces jeunes qui, pour certains, ont choisi de rester travailler dans cette région rurale, et pour d’autres, reviennent juste de passage dans le cadre de leurs études.”

Ce milieu rural est loin d’être une inconnue pour Jérôme Blin, lui qui est né à Plessé, près de Redon, où il a passé toute sa jeunesse dans la ferme de ses parents. Rien ne le prédisposait particulièrement à s’orienter vers le métier de photographe lorsque, un bts en automatisme industrielle en poche, il intègre une usine d’agroalimentaire en Vendée pour y assurer la maintenance. Il y signe un cdi et va y rester quatre ans. “Je ne me suis jamais vraiment installé, dès que je pouvais, je revenais chez moi revoir les copains.” Avec ceux-ci, il se plaît à fréquenter les milieux artistiques, en particulier musical. “Depuis le lycée, j’avais commencé à faire de la photo, en amateur, et tout naturellement, je me suis mis à photographier mes potes.” L’envie créant le besoin, il veut en savoir plus sur cet art. Même “si j’aimais bien mon boulot en maintenance, j’ai décidé de prendre une année sabbatique pour suivre une formation en photographie, pendant un an, à Montaigu.” Dans la foulée, il franchit le pas pour s’orienter vers ce nouveau métier. Non sans difficultés : “J’ai démarré en photographiant le milieu musical mais, sans réseau et avec une formation vraiment minimale, j’ai pas mal galéré.” Finalement, c’est un travail entrepris dans le cadre de sa formation qui va le faire connaître : “Nous avions des projets personnels à mener au cours de cette année de formation et j’avais choisi de suivre, pendant un an, la transmission de la ferme de mes parents à un jeune pas du tout issu du milieu paysan.” Ce travail documentaire lui vaut d’être exposé plusieurs fois et a même abouti à l’édition d’un livre.

La voie est trouvée. Lui qui admire entre autres Depardon, va à son tour s’inscrire dans cette démarche documentaire, en faisant appel dès que possible à l’argentique. Aucune nostalgie dans ce choix : “Ce que j’apprécie, c’est un rapport au temps totalement différent. Contrairement au numérique, que j’utilise aussi, ici on ne connaît jamais à l’avance le résultat et, pour éviter autant que possible les mauvaises surprises, on se doit de bien travailler en amont avant de déclencher, sachant en plus que le nombre de prises est bien sûr limité.” Jérôme dit par ailleurs “beaucoup aimer le grain de la photo argentique”.

C’est donc avec ce matériel qu’il a arpenté les routes de La Gacilly et de ses alentours en janvier et en février derniers. Objectif : “Chercher à rencontrer des jeunes étudiants, qui reviennent dans leur commune natale le week-end, et d’autres qui ont choisi une filière plus courte ou qui travaillent déjà.” C’est notamment autour de Cournon que le photographe a travaillé. “L’accueil a été très agréable et j’ai pu compter sur un étudiant qui m’a beaucoup aidé dans mes recherches. J’ai vraiment fait de belles rencontres avec des jeunes parfois très touchants, presque tous ont accepté d’être pris en photo.” À ces portraits de jeunes, dans leur travail ou en mode loisirs, Jérôme Blin a ajouté des vues des lieux de travail, des endroits où les jeunes se retrouvent, et même de l’intérieur de la chambre d’un étudiant dans la maison de ses parents, en mêlant couleur et noir et blanc.

“Ce qui m’intéressait dans cette démarche, c’est de parler de jeunes gens qui, soit de façon provisoire, soit de manière définitive, ont choisi de rester dans leur commune natale, et dont on ne parle jamais, ou presque.” Au-delà, le photographe interroge la notion de réussite sociale : “Si on se sent bien dans un lieu, avec ses copains, sa famille, est-ce que ce n’est pas un peu ça, la réussite ?”

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